Texte écrit sur le Chemin en Automne 2017

Je marche à mon rythme, j’écoute mon corps et il y a quelque chose que j’adore faire : me poser sur le bord du Chemin face au soleil le matin, ressentir la chaleur contre ma peau, me nourrir de vitamine D et de lumière… Ces moments sont délicieux.

Je vois passer des pèlerins pressés d’arriver à la destination qu’ils se sont fixés mais aussi des passants du coin qui ont l’habitude de voir les pèlerins marcher plutôt que d’être assis. Le Chemin de Compostelle n’a pas été épargné par la tendance à aller vite qui prédomine dans nos sociétés : bon nombre de pèlerins suivent un programme de nombre de kilomètres quotidien et tracent sans même regarder autour d’eux. Et une des raisons pour lesquelles j’ai choisi de partir marcher est le besoin de prendre mon temps.

Dans ce moment de contemplation face au soleil, assise dans l’herbe, un passant du village me regarde d’un air compatissant et me demande : « Es-tu blessée ? Tu as besoin d’aide ? ». A cela, je réponds que mon corps va bien et que j’ai juste envie d’admirer la vue. Puis il me scanne de haut en bas d’un air étonné et reprend sa route en me souhaitant le typique « Buen Camino ». Cela arrivera encore de nombreuses fois que l’on me demande pourquoi je reste au bord du Chemin et ça en deviendra presque agaçant. D’autres me demanderont si je suis fatiguée et me souhaiteront « bon courage », l’air de penser que je suis réellement exténuée alors que je vais très bien ; je me suis rarement sentie aussi bien. 

N’ai-je pas le droit de jubiler, de respirer, de ressentir la joie d’être ? N’est-ce pas aussi ça le Chemin ?

Je me dis que rares sont les gens qui prennent le temps de s’asseoir sur les bancs publics ou encore les pieds nus dans l’herbe. C’est certainement un luxe et pourtant, à quoi servent ces bancs, à quoi servent ces beaux paysages si ce n’est pas pour que certains s’y déposent et admirent la vue ?

Nous vivons dans un monde où il y a toujours quelque chose à faire après. Et quand il n’y a rien à faire, ça devient angoissant. Alors on préfère bien remplir son agenda pour ne pas faire face au vide existentiel. Je me dis en reprenant ma route après cette pause salutaire, que la Vie, pour moi, est faite d’une alternance d’action et de contemplation. C’est comme une respiration : j’agis à l’expir et je reprend mon souffle à l’inspir en étant davantage contemplative. En observant le pommier qui se trouve à ma gauche, je me dis qu’il ne produit pas des pommes en permanence. Il peut ne rien produire pendant 10 mois, voire même 2 ans puis d’un coup, nous délivrer une multitude de magnifiques fruits. Il n’a pas un patron qui lui demande de se forcer à produire une quantité définie de fruits chaque jour.

Et si nous faisions partie de la nature et obéissions aux mêmes règles ? Voilà de quoi méditer pour le reste de ma journée.

Et vous, prenez-vous le temps de vous asseoir sur les bancs publics ? Êtes-vous davantage dans l’action ou la contemplation? 

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